Menu principal:
Frère Cosimo
LE RECIT DES APPARITIONS DE N.D. DU SCOGLIO
DANS UN ARTICLE DE RENE LAURENTIN
Fratel Cosimo : Dieu veut ouvrir une fenêtre vers le ciel
(STELLA MARIS N. 397 www.parvis.ch )
Le 10 novembre 2002 à 22 heures trente, je débarquais à l'aéroport le plus proche de Lamezia, face à la Sicile et à l'Etna en éruption rouge feu. Nous avons traversé la pointe de la botte, de la mer Tyrrhénienne vers la mer Ionienne. A minuit trente, nous voici à Caulonia où nous logeons. Malgré l'heure tardive, l'hôtelière nous accueille aimablement et chaleureusement. Au matin, je découvre au soleil l'azur intense de la mer toute proche.
Que suis-je venu faire en ce bas de l'Europe, proche de l'Algérie? Mes amis suisses Marlène et Alfred Reichmuth m'y ont amené. Leur premier voyage à Placanica, chez Fratel Cosimo, fut pour eux une lumière qui a changé leur vie, leurs relations, leurs préoccupations, leurs loisirs, du côté du Seigneur. C'est la septième fois qu'ils y retournent depuis 17 mois. Fratel Cosimo souhaitait me voir. Je suis plus connu en Italie qu'en France, y compris pour les apparitions. Mes amis m'ont décidé à venir.
Le 11 novembre au matin, nous reprenons l'auto rouge de louage, nous longeons d'abord la mer Ionienne, puis nous nous enfonçons dans les collines. Nous entrevoyons bientôt le château qui coiffe Placanica, le village de Fratel Cosimo. En gravissant les derniers lacets, nous entrevoyons le pèlerinage qui s'édifie: les arcades soutiennent le haut de la colline, entamée pour élargir l'esplanade du pèlerinage, devenue trop petite.
Nous voici au Scoglio: le rocher attenant à la maison natale de Fratel Cosimo. Il fut le lieu des apparitions. Des pèlerins viennent l'embrasser comme on embrasse le rocher de la grotte de Lourdes à la suite de Bernadette que la Vierge avait invitée à baiser la terre: geste qui avait scandalisé les sages, comme il scandalise l'intelligentsia d'aujourd'hui. A vol d'oiseau nous sommes à 4 kilomètres de Placanica, mais Fratel Cosimo doit faire 7 kilomètres pour aller à la messe le dimanche, par des chemins sinueux et accidentés.
Il est là, il nous attend: une petite silhouette paysanne, toute d'accueil, qui rayonne la transparence de Dieu et de la Vierge Marie. Ce n'est plus la brillante silhouette de ses 40 ans, visage lisse et cheveux abondants, il grisonne à plus de 52 ans. L'âge et son humilité l'ont légèrement courbé.
Fratel Cosimo est né le 27 janvier 1950. On ne l'a porté sur les fonts baptismaux de l'église de Placanica qu'au mois de mai. C'est là qu'il a fréquenté l'école du village: à plus d'une heure de chemin. Son père étant infirme de guerre, il a cessé l'école après la prima media, vers l'âge de 11 ans. Il est devenu le berger des chèvres et des vaches et s'est mis à la charrue dès ses 14 ans. Il vivait la vie paysanne, érémitique et laborieuse, d'avant la motorisation, loin de tout sous le ciel, sans grâce mystique particulière.
Et voilà qu'à 18 ans, comme il arrive à des chrétiens même peu chrétiens, il a été visité. Après chaque apparition lumineuse de "la Madone", comme on dit avec ferveur en Italie, il a écrit aussitôt sa relation, remettant à chaque fois une copie au curé de Placanica, don Rocco Gregorace. Une partie de ces récits autographes ont été perdus au presbytère après le décès du curé. Fratel Cosimo a par contre conservé soigneusement les récits ayant trait aux premières apparitions. Il m'en a confié la première publication: un récit sans commentaire comme celui de tous les voyants de bon aloi.
Première apparition
C'était en mai 68, à l'heure où les grandes chrétientés atlantiques d'Europe et d'Amérique étaient bouleversées par une révolution d'un style nouveau. Ce vent libertaire de rêves, d'éros et de barricades sur le tombeau des interdits ébranla de Gaulle, la France et l'Eglise. Elle désintégra, en quelques mois, quantité de séminaires et d'œuvres florissantes.
Cosimo Fragomeni était bien loin de tout cela, mais la Vierge va lui apparaître, "triste" quoique sans larmes, à la différence de La Salette. Voici donc son récit.
- Le 11 mai 1968 je rentrais des champs au crépuscule. En arrivant au Scoglio (le rocher de 4 à 5 mètres qui surplombe sa ferme natale), une grande lumière m'éblouit. Je m'arrête, je lève la tête pour voir qu'est-ce qui arrivait mais je ne vois rien. A peine me remettais-je à marcher, ce fut comme si quelqu'un me disait de regarder vers le rocher et j'ai vu devant mes yeux, dans le haut du Scoglio, la douce figure d'une jeune femme brune d'environ 18 ans avec de longs cheveux couleur châtain foncé, sans chaussures, les mains jointes. Un halo d'une fulgurante lumière l'environnait. Derrière ses épaules, c'était comme un soleil lumineux aux longs rayons dorés. Elle portait un vêtement blanc comme la neige, une ceinture et un manteau azur, un voile blanc transparent sur la tête, semé d'étoiles et, au poignet, un lumineux rosaire de perles.
A ce moment, j'ai senti comme un frisson traverser mon corps. Je fus saisi d'une grande crainte et j'allais me sauver par crainte qu'il s'agisse de quelque esprit, quoiqu'à l'aspect, elle me semblait être la Madone.
Le récit est limpide comme celui de Bernadette et de même facture: la lumière précède l'apparition et l'environne. Une crainte révérencielle saisit le paysan de 18 ans qui n'a guère fréquenté l'école, mais avec l'intelligence intuitive et la culture humaine des gens de la terre, il s'exprime en termes choisis. Il décrit l'apparition avec des mots rares: carnagione, luccicanti fulgidissima qui ne sont pas dans mon dictionnaire. Il continue.
- Du haut du Scoglio, la jeune femme inclina la tête, ouvrit les mains et me fit signe de ne pas m'enfuir. Sa voix aimable articulait doucement les paroles (piano piano):
N'aie pas peur, je viens du paradis, je suis la Vierge Immaculée, la Mère du Fils de Dieu. Je suis venue te demander de construire ici une chapelle en mon honneur. J'ai choisi ce lieu. Je veux y établir ma demeure et je désire que de tous les pays on vienne ici prier.
Aussitôt après ces paroles elle joignit les mains, inclina la tête, leva les yeux au ciel, se détacha du rocher et aussitôt disparut en l'air. Soudain je me suis senti bouleversé, profondément troublé, assailli de doutes. Etait-ce vraiment la Madone ou non? Je suis resté encore un instant au pied de la grande haie près du Scoglio et je suis rentré à la maison. J'ai aussitôt pris plume et papier et j'ai mis par écrit pour ne pas oublier les paroles que je venais d'entendre de la jeune dame.
Deuxième apparition
Le matin du 12 mai 1968, à peine levé, je vais au Scoglio. Je prie un peu mais je ne vois rien. Tard le soir, une forte pulsion intérieure me presse de retourner au Scoglio.
A peine arrivé sous la grande haie, face au rocher, je lève les yeux, je regarde vers le Scoglio, et soudain je suis éclairé par une lumière éblouissante (accecante).
Le Scoglio brille comme en plein jour. D'en haut descend un phare de lumière. Il projette ses rayons sur le Scoglio et, dans cette merveilleuse lumière, soudain apparaît la jeune dame. A peine l'ai-je vue que les jambes me manquent: je tombe à genoux et je dis d'une voix tremblante:
- Si vous êtes la Madone, aidez-moi.
Elle incline la tête et me répond:
Je t'aiderai, mais les tribulations et les souffrances ne te manqueront pas. Ne te décourage pas, je serai avec toi et je te soutiendrai de ma main. Le Seigneur veut te faire instrument de Son Amour pour le salut des âmes.
Cela dit, elle me sourit, regarde le ciel, incline la tête et disparaît en haut.
Ce soir-là je n'eus point peur; une grande joie et paix envahirent mon cœur. Je retournai à la maison, heureux, et je me mis aussitôt à écrire les paroles que la Sainte Vierge m'avait dites.
Troisième apparition
Le 13 mai 1968, plusieurs fois durant la journée, j'allai au rocher pour prier et pendant que je priais au pied du Scoglio, je perçus un intense parfum de fleurs. Le soir venu, plus ou moins à la même heure, une même impression et une force mystérieuse m'attirent de nouveau vers le rocher. J'y vais, je me mets à genoux et commence à réciter l'Ave Maria en regardant le haut du rocher. Soudain, comme si le ciel s'ouvrait, je vois un faisceau lumineux descendre sur le Scoglio et, dans ce faisceau de lumière, apparaît la Sainte Vierge. Je lui demande:
- Vierge sainte, dites-moi ce que vous voulez que je fasse pour vous?
Elle incline légèrement la tête et me dit:
Je te demande la faveur de transformer cette vallée.
L'interlocutrice parle avec déférence à Cosimo, comme elle parlait à Bernadette, le 18 février 1858, en l'implorant "d'avoir la grâce" de venir… Elle continue:
- Ici je désire un grand centre de spiritualité où les hommes trouveront paix et soulagement. En ce lieu, Dieu veut ouvrir une fenêtre vers le ciel. Par ma médiation, il veut manifester sa miséricorde.
Après ces paroles, la Sainte Vierge resta en silence un court moment, puis elle me sourit doucement et disparut aussitôt.
Alors je me lève en hâte et je vais à la maison pour noter ce que la Sainte Vierge m'avait communiqué.
Quatrième apparition
Le lendemain, 14 mai 1968, comme la veille, durant la journée je me rends au Scoglio pour prier et je ressens encore une fois le même parfum de fleurs. Le soir, un moment après le crépuscule, je ressens en moi comme un appel à retourner au Scoglio. En arrivant, je me mets à genoux et commence à prier. Du ciel, je vois descendre le faisceau de lumière et au même moment, sur le rocher, au milieu d'une telle splendeur, la Sainte Vierge apparaît. Elle fait, de la tête, l'inclination habituelle, puis elle commence à parler. Elle me dit d'une voix pénétrante affligée:
- Si les hommes se convertissent, se repentent de leurs péchés, se confessent, se rapprochent de Dieu et s'ils se mettent à l'aimer de tout leur cœur, Dieu s'approchera d'eux et les accueillera dans sa maison.
En prononçant ces paroles, le visage de la Madone devient triste. Elle resta quelques minutes en silence puis prit de son bras le Rosaire lumineux, elle tend la main vers moi et me dit:
- Voici mon Rosaire, qu'il soit ta prière quotidienne. Offre-la à mon Cœur immaculé pour la conversion du monde, le triomphe du règne de Dieu, la paix des nations et le salut de l'humanité.
Ces paroles dites, elle joint lentement les mains, reste un moment comme absorbée en prière, puis baisse la tête, m'adresse un sourire d'une merveilleuse douceur et disparaît aussitôt, en laissant un délicieux parfum.
Presque aussitôt, je suis retourné à la maison. J'ai pris la plume et j'ai écrit encore cette fois tout ce que la Madone m'avait adressé.
La chapelle
Environ trois ans après la première apparition de la Madone [1971], j'ai fait construire avec la contribution des fidèles une chapelle à côté du rocher.
Puis, au printemps 1976, j'étais à la recherche d'un peintre pour réaliser l'image de la Madone selon l'apparition que j'avais eue.
Je ne parvenais pas à trouver un peintre professionnel mais on m'indiqua une personne de Caulonia, un certain Ilario Tarsitani; un de ses hobbies était aussi la peinture. A peine contacté, il se rend aussitôt disponible et commence à exécuter l'image, selon mes indications.
Irrégulièrement je me rendais chez lui pour suivre le travail. L'artiste peignait bien, mais arrivé au cou, sa main se bloquait et il ne parvenait point à aller de l'avant. Il décida de prendre une autre toile et de tout recommencer (daccapo).
Mais pour la seconde image encore, en arrivant près du cou, il subit le même blocage, abandonne et recommence aussitôt sur une toile "neuve". Pour cette troisième image, arrivé près du cou, le peintre est bloqué de nouveau.
Quand je retournai chez lui, il m'accompagna dans l'atelier et, découragé, il me demanda:
- Dites-moi donc ce que je dois faire puisque, même cette fois-ci je ne réussis pas à l'achever.
Je ne savais que lui répondre et je lui dis:
- Ne vous en souciez pas, la Madone y pensera
Et je suis parti en prévenant:
- Je reviendrai demain.
Le lendemain soir, je retourne chez lui. Il vient m'ouvrir, larmes aux yeux, il me prend par le bras et me conduit vers l'atelier en disant:
- Venez voir ce qui est arrivé.
Nous sommes arrivés devant l'image et, avec grande stupeur, je vois qu'elle était achevée, y compris le visage. Je lui dis:
- Vous l'avez déjà complétée?
Et lui, plein d'émotion, me répond:
- Je n'ai rien fait. Elle s'est faite seule (da sola) durant la nuit. Aujourd'hui j'étais venu de bon matin pour finir le travail et avec grande surprise j'ai vu l'image achevée.
Il ajouta:
- Maintenant je dois seulement peindre les pieds et faire quelques retouches.
Je lui répondis:
- N'y mettez plus la main, laissez comme c'est.
Le jour suivant, je me suis rendu chez lui avec un ami pour prendre l'image. Nous l'avons transportée chez moi en auto et, quelques jours après, nous l'avons installée dans la chapelle.
Une fois mise en place, je me suis aperçu qu'en me déplaçant d'un point à l'autre de la chapelle, les yeux de la Madone me suivaient comme s'il s'agissait d'une personne vivante et cela fut constamment vérifié par de nombreux pèlerins.
Les peintures "miraculeuses" dont on parle ne sont généralement pas des chefs-d'œuvre d'exposition picturale. L'image est fidèle à ce qu'a vu Fratel Cosimo, sans égaler ce qu'il a vu. Il sait bien que l'apparition est ineffable et qu'on ne peut pas "faire comme c'était", selon la formule de Bernadette.
Sous-menu